We are Backpackeuses est une communauté dédiée aux femmes qui voyagent. L’une des fondatrices du projet, Mathilde Rogez, nous parle de cette démarche qui vise à encourager et rassurer les voyageuses à travers le monde.

– Comment est né We are Backpackeuses ?
We Are Backpackeuses est né d’une rencontre entre Marielle et moi en mai 2015, en Turquie. Elle entamait son voyage d’un an en Asie avec son homme, pareil de mon côté, aussi avec mon homme, aussi en Asie mais sur deux ans. On s’est rencontrés, tous les quatre, à la sortie du consulat iranien de Trabzon. Il faut savoir que le visa iranien est un vrai parcours du combattant ! Bref, on a partagé nos galères tout l’après midi autour de quelques thés et quelques bières. On a échangé nos whatsapp et on a pris des routes différentes. On a continué à beaucoup discuté avec Marielle, pendant plusieurs mois. Et ça faisait du bien. On a beau avoir des hommes avec qui on peut parler de tout, parfois le petit café du dimanche matin avec les copines sur le marché ça manque ! Et les copines qui sont loin ne partagent plus le même quotidien, ce n’est pas toujours facile de partager lorsqu’on a un coup dur. Marguerite, qui écrit des chroniques pour le site de WAB a écrit un superbe texte sur ce sujet (qui sortira mardi prochain !). J’ai donc pensé que si toutes les deux on avait ce besoin là, on ne serait peut-être pas les seules. J’ai proposé à Marielle d’ouvrir un groupe pour les nanas comme nous qui avaient besoin d’échanger.
– Quel est l’objectif de ce groupe ?
L’idée première du groupe c’est vraiment un espace dédié aux femmes qui voyagent. Un endroit où les femmes ont la parole et où elles ne passent pas systématiquement après l’avis des hommes. Où elles n’ont pas à se battre pour avoir de la place. Des femmes qui, par ce qu’elles vivent au quotidien, peuvent se comprendre et s’entraider. Bien sûr ce n’est pas toujours le cas et la solidarité féminine ne fait pas tout malheureusement, même si on la ressent en de nombreuses occasions sur le groupe.
– Comment sont perçues les filles qui voyagent seules ?
Je ne suis peut-être pas la mieux placée pour répondre à cette question car j’ai toujours voyagé en couple. Je crois que tout dépend de la personne à qui vous le demandez 😉 Et dans quel pays vous posez la question. Ce que moi je vois au quotidien sur le groupe ce sont des femmes extrêmement fortes, pour moi des femmes accomplies et épanouies, des femmes qui osent. Et c’est très important aujourd’hui. C’est un énorme fuck au patriarcat de partir seule, c’est prouver au monde que c’est possible. Je suis admirative de toutes les femmes que je vois partir seules, que ce soit par choix du voyage solo, par ras le bol d’attendre quelqu’un pour partager leurs envies de découverte … Je ne sais pas si j’aurais pu, moi, seule. Mais je suis fière que l’on ait crée ce groupe qui motive beaucoup de femmes à franchir le cap.
– Selon vous, quelles sont les plus grandes difficultés pour une fille qui voyage en solo ?
Je pense très sincèrement qu’elles sont les mêmes que dans la vie de tous les jours. Parfois exacerbées par la barrière de la langue, une différence de culture, la disparition de nos repères. C’est la méfiance que l’on nous force à avoir, la peur constante qui va avec. Devoir faire attention à tout, tout le temps. C’est aussi se confronter à la place de la femme selon chaque culture, chaque pays etc. J’ai voyagé par exemple en Iran et en Afghanistan, je prends cet exemple car mon voyage en Afghanistan, pour le boulot, a changé énormément de choses pour moi. En Iran j’ai passé des heures à essayer de sortir de l’hôpital car aucun homme ne venait me chercher, il me fallait un père, un mari ou un frère, c’était à mon mari de donner son accord pour que je sois soignée, pour chaque acte. Dans ces deux pays, les femmes ne sont pas autorisées à fumer, j’ai vu des hommes m’offrir des clopes à la chaîne pour me regarder fumer. En Afghanistan, dans le cadre du boulot je ne pouvais pas serrer la main des hommes, certains m’ont envoyé dans la cuisine avec leur femme (la pièce réservée aux femmes) lors que j’étais là pour filmer ^^Je vois ça d’un oeil très extérieur bien sûr et ce ne sont que deux pays. Je dirais que le plus dur au quotidien ou en voyage, pour les femmes, c’est le rôle auquel on nous assigne, la place que l’on nous donne, tout ce qui fait que l’on peut se sentir vulnérables, partout. Et je parle en tant que femme blanche, vivant en France où certes nous ne sommes pas au top niveau égalité, mais où nous avons tout de même plus de facilités que dans d’autres pays.
– Pensez-vous qu’une fille peut voyager seule partout ?
Bien sûr ! Il y’a des femmes partout non? Toujours en partant du principe que la place de la femme n’est pas la même partout, je pense qu’il faut s’adapter. Ne pas oublier dans certains pays où c’est beaucoup plus difficile pour les femmes que nous ne faisons qu’y passer, que nous survolons des choses que les femmes sur place vivent au quotidien. Et pour celles qui refusent de voyager dans des pays où la place des femmes est très compliquée, je le comprends. Mais j’aime me rappeler que c’est un combat quotidien que nous continuons à mener, que nous n’avons pas toujours été autorisées à travailler, à voter ou même à avoir un chéquier (qui sont encore bien souvent, si vous êtes mariée, au nom de votre mari, et oui!). Voyager c’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres femmes, qui vivent d’autres réalités et échanger, faire tomber quelques idées reçues, partager.
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