Isis Latorre, témoignage d’une blogueuse professionnelle

Blogueuse professionnelle, Isis a créé le blog LesNouveauxTravailleurs, qui traite des modes de travail alternatifs. Cette voyageuse passionnée est elle-même digital nomad : elle travaille tout en voyageant. Elle partage avec nous ses expériences et son point de vue sur ce mode de travail en plein essor.

– Comment as-tu mis en place ton activité de digital nomad ?

Ca s’est mis en place progressivement. A vrai dire, j’ai commencé à être Digital Nomad “locale” sur un projet précédent à celui que je mène aujourd’hui. A l’époque, je ne voyageais pas encore à l’étranger mais je me considérais “nomade” parce que mon bureau changeait chaque jour : je travaillais chez moi, chez mon associé, et dans des cafés. Ce nomadisme “local” d’un an m’a appris à réussir à me concentrer et rester productive tout en changeant de lieu de travail régulièrement.

Ensuite, en janvier 2018, j’ai décidé d’arrêter le projet sur lequel j’étais pour me lancer à fond sur mon blog LesNouveauxTravailleurs. J’avais commencé une formation pour devenir Blogueuse Professionnelle. Je savais que j’avais quelqu’un qui me livrait une méthode étape par étape pour y arriver, et j’étais en contact avec la communauté des autres blogueurs en devenir (et le suis toujours). C’est ça qui m’a donné la confiance nécessaire pour me lancer à 100%.

Les quatre premiers mois, je suis restée à Paris. J’avais besoin de savoir un peu à quoi allait ressembler mon quotidien de blogueuse. Je voulais que ce changement soit le seul dans ma vie. J’ai continué à travailler dans des cafés, parce que changer d’environnement fait maintenant partie de ma stratégie pour maximiser ma productivité.

En mars 2018, je me suis sentie prête à partir à l’étranger. En fait, je sentais que je ne pouvais plus rester à Paris. Je n’aimais pas la personne que je devenais dans cet environnement. J’avais besoin de me mettre dans une nouvelle dynamique, et je voulais accomplir ce rêve d’aller voyager en Amérique Latine.

Comme je me sentais seule à Paris, je n’ai pas voulu voyager seule. J’ai candidaté pour rejoindre la communauté WifiTribe. Il y a un processus de sélection car ils veulent vraiment que les gens qui voyagent ensemble partagent des valeurs. Seuls 20% des candidats rejoignent la communauté. A mon grand bonheur, j’ai fait partie de ces 20%.

En mai 2018, j’ai quitté mon appartement parisien. J’ai rapatrié toutes les affaires chez mes parents à Montpellier. J’ai passé deux semaines à préparer mon départ, tout en culpabilisant de ne pas réussir à travailler (parce que j’étais un peu stressée). J’ai pris l’avion le 15 juin 2018 pour rejoindre WifiTribe en Bolivie. Depuis, je suis allée au Brésil, en Argentine, et je suis actuellement à playa Del Carmen au Mexique.

Coté finances, j’ai décidé de partir alors que je ne gagnais pas encore de revenus avec mon blog. J’avais mis 10 000€ de côté à l’époque où j’étais salariée. Je vis sur ce “fond” que je me suis créée. Et en parallèle, j’avance pour pouvoir monétiser mon blog début 2019.

– Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce mode de vie ?

J’aime l’idée d’avoir la liberté complète d’aller où je veux, quand je veux. Si je veux rester trois mois à tel endroit, je peux. Si ça ne me plaît pas, je peux partir. Si je veux rentrer voir ma famille et passer un mois avec eux, je peux.

J’aime pouvoir voyager sans attendre mes vacances ou ma retraite. J’ai envie de voir comment les choses se font ailleurs, et je n’ai pas envie d’être limitée dans cette exploration.

Comme je suis blogueuse, j’ai aussi la chance d’avoir une liberté extrême dans mon travail. Je peux travailler dans des cafés comme j’aime le faire, prendre un jour off parce que j’ai le moral dans les chaussettes, commencer ma journée plus tard si je me suis couchée tard la veille, etc.

– En tant que digital nomad, comment organises-tu tes journées entre voyage et travail ?

Clairement, le travail est toujours ma priorité. Mais j’essaye de trouver un équilibre, et de saisir les opportunités liées au voyage. Quand on ne reste qu’un mois dans un endroit, on a très peu de temps au final pour le découvrir. Donc, si ça me tient à coeur de l’explorer, je vais prendre sur mon temps de travail pour ça. Parce que, si je ne profite pas du pays où je suis, pourquoi être venue jusqu’ici ?

Par exemple, si quelqu’un propose d’aller faire une visite de la ville un mardi après-midi, je vais peut-être prendre mon après-midi pour le faire. Mais je prends la responsabilité de devoir rattraper ce que je n’aurai pas fait pendant ce laps de temps. Soit en trouvant un moyen d’être plus productive, soit en prenant ce temps à un autre moment.

Quand j’étais avec WifiTribe (je passe actuellement deux mois sans eux), j’ai aussi souvent pris des vendredis pour faire des gros weekends.

Ici à Playa Del Carmen, j’habite à 5 minutes de la plage. Et la plage est la raison principale pour laquelle je suis ici. Elle me fait du bien. Et parce qu’elle me fait du bien, je vais la voir un peu en plein milieu de ma journée.

– Quelles sont, selon toi, les qualités nécessaires pour devenir digital nomad ?

Pragmatisme : il faut être conscient des enjeux de ce mode de vie, et mettre en place des choses pour se protéger contre les difficultés. Comme pour tout projet, évaluer le coût financier et vérifier qu’on a les revenus pour y subvenir.

Débrouillard : il y a de plus en plus de digital nomads et il y en a eu de nombreux avant nous qui ont débroussaillé le chemin et donnent des conseils aux débutants. Mais parfois, on se retrouve face à une situation qu’on ne sait pas très bien gérer. Si on est débrouillard, on saura comment obtenir de l’aide pour résoudre ce soucis, ne pas rester bloqué.

– Quelles sont les principales difficultés que tu rencontres dans ce mode de vie ?

Les difficultés sont différentes quand je suis avec WifiTribe et quand je suis sans eux.

Avec eux, mon problème majeur est la productivité et le “FOMO” (la peur de rater quelque chose si les autres font un truc et que je n’y vais pas). Il y a plein de tentations tout le temps donc c’est dur de devoir dire non, de ressentir du FOMO. Et quand j’accepte les sorties, ça peut mettre un coup à ma productivité car ça m’a cassée dans ma dynamique de travail.

Sans WifiTribe, j’ai davantage le stress de devoir trouver un logement (quand je suis avec eux, c’est l’entreprise qui s’occupe de les trouver). Et c’est du temps que je dois passer en plus (et en plus je n’aime pas m’occuper de ça).

Sans eux, c’est également plus difficile pour moi de remplir ma “jauge sociale”. Je suis une personne extravertie, ce qui veut dire que je tire mon énergie du fait d’être entourée d’autres personnes. Avec WifiTribe, je vis en colocation, j’ai même une colocataire de chambre, et quinze à vingt-cinq copains avec qui faire des trucs les soirs et les weekends.

Quand je ne suis pas avec eux, je dois faire l’effort d’aller me faire des amis ailleurs. Je parle à des gens dans des cafés, j’essaye de participer aux trucs de digital nomads quand ils existent. Mais, contrairement à la communauté WifiTribe où je m’entends en principe bien avec tout le monde, ce n’est pas autant le cas quand je rencontre des personnes de façon aléatoire. Engager la conversation avec quelqu’un, c’est une chose. Devenir amis et se sentir épanouis à la présence de l’autre, c’est le niveau d’après, et il est plus difficile à atteindre.

– Dans ton blog Les Nouveaux Travailleurs, tu parles de nouveaux modes de travail en pleine émergence. Penses-tu qu’ils vont être amenés à se développer dans un avenir proche ?

Je pense que celui qui va se développer le plus vite est le Nomadisme Digital. Parce que toute une partie des Digital Nomads sont des entrepreneurs du web ou des freelances. Ca veut dire qu’ils n’ont pas besoin d’attendre que les entreprises évoluent pour se lancer.

A l’inverse, le Remote (télétravail à 100%) dépend beaucoup de la mentalité des entreprises. Beaucoup de managers sont réticents à laisser les employés faire du télétravail. Je crois donc que ça ne se développera de façon drastique que quand “l’ancienne génération” ne sera plus là. Ce sont les jeunes entrepreneurs et managers de la nouvelle génération qui s’ouvriront davantage à ce mode de travail.

Par ailleurs, tous ceux qui sont intéressés par le télétravail ne veulent pas le faire à 100%, mais plutôt quelques jours par semaine. Donc je pense que le “télétravail” dans son sens large va davantage se développer que le Remote (télétravail à temps plein).

Enfin, concernant les Slasheurs, ils sont déjà assez nombreux en fait, souvent sans le savoir. Je pense que le Slash est une tendance naturelle que certains s’autorisent et d’autres non. A mon avis, ça se développera au fur et à mesure que les personnes prennent conscience de ce qu’elles veulent vraiment (toute la question du sens au travail, de l’épanouissement professionnel). Et, à mesure que le sujet se démocratise, ces personnes prendront probablement confiance dans le fait de le faire, en voyant que d’autres ont ouvert la voie avant elles et que c’est possible.

– Penses-tu que les entreprises françaises sont ouvertes à ces nouveaux modes de travail ?

Très peu. Je pense qu’elles commencent à s’ouvrir au télétravail, mais ça paraît tellement fastidieux. Les entreprises sont en retard par rapport aux désirs de toute une frange des travailleurs. A commencer par les millenials, mais dans mon lectorat j’ai aussi des personnes de 40, 50 ans qui ont cette philosophie. C’est ça en fait, c’est une question de philosophie. Et tout le monde n’est pas adepte des concepts de liberté, confiance, épanouissement des salariés.

– Quels pays as-tu déjà visité ? Où te trouves-tu en ce moment ?

En tant que Digital Nomad, j’ai travaillé en France, Bolivie, Brésil, Argentine, Mexique (où je me trouve actuellement). Avant ça, j’en ai visité bien plus 😉

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